Communiqué de presse
La RE2020
L’ICEB ou Institut pour la conception éco-responsable du bâti est une association regroupant une cinquantaine de bureaux d’études, architectes et maîtres d’ouvrage oeuvrant pour la conception éco-responsable du bâti, aussi bien pour le neuf que pour la rénovation.
L’ICEB reconnaît dans la RE2020 des avancées notables et positives pour l’environnement.
Nous sommes actuellement dans l’attente de l’arrêté d’application fixant les exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments d’habitation, de bureaux et d’enseignement primaire ou secondaire, en France métropolitaine.
Les informations que nous avons pu recueillir nous montrent que cette réglementation inclut de réelles avancées sur lesquelles il ne faudrait pas revenir. Toutefois, nous notons aussi de fortes régressions par rapport à la réglementation actuelle concernant l’énergie électrique qui constituent un inquiétant pari sur l’avenir.
La principale avancée est que pour la première fois, l’incidence sur le climat des consommations d’énergie et des matériaux de construction est prise en compte dans une réglementation. Elle vise en effet à limiter les émissions de gaz à effet de serre liées aux consommations d’énergie et à la fabrication des matériaux, et ce pour toute la vie du bâtiment.
Cet aspect de la nouvelle réglementation nous paraît particulièrement important.
Actuellement, l’impact sur le climat, évalué en kg de CO2eq, des bâtiments neufs est en moyenne dû à 60 % aux matériaux de construction et à 40 % aux consommations d’énergie. Pour les matériaux, il est proposé d’établir une Analyse de Cycle de Vie (ACV) dynamique. L’ACV dynamique relativise le poids du futur : plus il est lointain, moins il pèse dans le résultat. De ce fait, les matériaux stockant du carbone sont favorisés, tels les structures en bois et les isolants biosourcés et nous considérons que ceci est une avancée. Les matériaux issus du réemploi sont moins bien traités, car ils ne stockent pas forcément du carbone ; néanmoins, ils sont présents et ne représentent plus une ponction sur les ressources et un traitement amélioré serait souhaitable.
Nous travaillons depuis plus de 20 ans à l’élaboration des ACV de bâtiments. Il y a maintenant suffisamment de données et d’outils disponibles pour que le poids environnemental des matériaux et des équipements soit correctement pris en compte, y compris avec le ré-emploi.
Concernant la limitation des consommations d’énergie des bâtiments, nous avons des inquiétudes et noté des régressions.
Pour limiter les consommations, une bonne conception du bâti est essentielle : une conception bien adaptée au climat local et aux usages.
La réglementation prévoit un renforcement de 30 % de l’exigence sur le coefficient BBIo. Ce coefficient est un premier pas vers la valorisation de la conception bioclimatique du bâtiment. Il vise la limitation des besoins de chauffage, d’éclairage et de rafraîchissement. Il nous paraît important que ce renforcement soit effectif, ce dont nous ne sommes actuellement pas assurés compte tenu du changement dans la méthode de calcul et les fichiers climatiques utilisés (autrement dit : est-ce réellement un renforcement à climat égal et à conception égale ?).
La réglementation introduit un nouvel indicateur, les degrés-heures d’inconfort estival, DH, qui a pour but d’éviter l’installation après la construction, de moyens de rafraîchissement corrigeant, à l’aide de consommations énergétiques supplémentaires, un défaut de conception.
Ce nouveau volet de la réglementation est un progrès. Mais, il doit être complété par la prise en compte de deux aspects du confort d’été :
- L’augmentation de la vitesse d’air qui permet de rester dans des niveaux de confort acceptable avec des températures plus élevées ;
- Le caractère auto-adaptatif du confort : lors d’une séquence chaude, le corps s’adapte à l’élévation de la température. La prise en compte de ce phénomène est une source d’économie d’énergie qui est d’emblée perdue quand le bâtiment est climatisé.
Le confort auto-adaptatif semble être pris en compte dans l’évaluation de DH, mais les modalités de calcul de DH ne sont pas encore finalisées.
Pour les consommations d’énergie, le choix de l’énergie est déterminant.
Les principes posés sont les suivants :
- Privilégier les énergies les moins carbonées et sortir des énergies fossiles ;
- Systématiser le recours à la chaleur renouvelable et sortir du chauffage électrique à effet joule.
Mais, il n’est pas fait de distinction entre le carbone extrait du sol et le carbone biogénique issu de la biomasse, comme les déchets ou le biogaz, et les réseaux de chaleur urbains qui ne sont pas pris en compte pour les logements collectifs alors que ces réseaux ont été poussés à utiliser plus de 50 % d’énergies renouvelables et qu’il est prévu qu’ils atteignent tous 100 % en 2050. Ils contribuent à la sécurité énergétique d’un quartier ou d’une collectivité. Par ailleurs, la Stratégie nationale bas Carbone prévoit que les réseaux de gaz soient eux aussi à long terme complétement alimentés par des énergies renouvelables.
Et en même temps, la réglementation donne un formidable coup de pouce à l’énergie électrique :
- Le contenu CO2 de l’électricité est évalué à la baisse, particulièrement pour le chauffage :
L’électricité consommée | Valeur RE 2020 | Valeur E+C-
Depuis 2016 |
Valeur DPE depuis 2007 |
Pour le chauffage | 79 g CO2/kWh | 210 g CO2/kWh | 180 g CO2/kWh |
Pour la production d’eau-chaude sanitaire | 65 g CO2/kWh | 83 g CO2/kWh | 40 g CO2/kWh |
Pour l’éclairage des habitations | 69 g CO2/kWh | 121 g CO2/kWh | 40 g CO2/kWh |
- Or, en période de chauffage, l’électricité est produite ou importée par des moyens beaucoup plus carbonés que pendant le reste de l’année.
Par ailleurs, nous assistons depuis plus de 10 ans, à des dispersions notables de ces valeurs difficilement compréhensibles.
- Le kWh électrique était évalué, en énergie primaire à 2,58 kWhep. Cette évaluation passe maintenant à 2,3 kWhep, ce qui réduit de plus de 12 % l’évaluation des consommations en énergie primaire avec comme vecteur l’électricité.
Cette orientation risque d’avoir plusieurs conséquences :
- Une technique va être privilégiée : la pompe à chaleur. Elle permet de réduire significativement les consommations, mais comme elle est réversible dans la majorité des installations, elle permet aussi de produire du froid. Le recours à la pompe à chaleur réversible limite l’effort de conception bioclimatique du confort d’été et annule l’effet du nouvel indicateur DH.
- L’utilisation de l’énergie électrique n’est encadrée que par le coefficient Cepnr qui représente les consommations d’énergie non renouvelable et le recours au convecteur (souvent qualifié de grille-pain) n’est plus exclu.
- L’exclusion de l’énergie verte (biomasse) et le recours plus massif à l’électricité va augmenter les besoins de production électrique. Comment pourra-t-on y répondre, si ce n’est par la construction de nouvelles tranches nucléaires ?
En hiver, la pointe atteint déjà 28 GW et des moyens de production supplémentaires vont être nécessaires. Il sera donc difficile de fermer les tranches vieillissantes et de nouveaux EPR devront être construits (2 sont déjà en projet). Ils représentent un investissement considérable qui se fait au détriment du développement des énergies renouvelables.
En été, la montée des températures peut faire craindre de grandes difficultés de fonctionnement liées aux besoins de refroidissement et à la diminution des niveaux de cours d’eau qui alimentent les centrales.
Par ailleurs, la dangerosité de l’industrie nucléaire et la question non résolue du traitement des déchets (nécessité d’augmentation des usines de traitement et absence de solution convenable pour le stockage des déchets ultimes) mériterait que cette orientation vers plus de nucléaire soit débattue.
- Tout ceci devrait conduire à une augmentation du coût de l’électricité. Or, 6,8 millions de ménages sont déjà en situation de précarité énergétique. Une hausse importante du coût de l’électricité ne fera qu’augmenter ce nombre.
L’ICEB sera particulièrement attentive aux justifications de ces valeurs du kWh électrique traduisant son impact sur le climat, évalué en g CO2/kWh, et sa valeur en énergie primaire, compte tenu de leurs impacts sur les choix énergétiques et de systèmes et sur la conception globale des bâtiments.