SUJET
Comment est calculée l’énergie grise ? Énergie matière ou énergie procédé ?
La 2ème édition de l’ICEB Café à la Maison de l’architecture s’est confirmée être un succès de participation. Le vif débat qui a accompagné et suivi la présentation des intervenants prouve bien l’intérêt du public sur la thématique abordée.
« vous souhaitez connaître l’impact des produits de construction sur l’environnement ? Rien de plus simple ! Il suffit de consulter INIES … »
C’est l’invite du CSTB sur son site internet. D’un clic, vous voilà sur le site de l’Inies où vous trouvez les fiches FDES.
Rien de plus simple ? à voir…Pour cet ICEB café, nous avons choisi de regarder comment est calculée l’énergie grise.
En tant que concepteurs soucieux de l’environnement, nous pensons qu’il est important de nous pencher sur ces questions qui vont prendre de plus en plus d’importance. Une approche quantitative est indispensable pour faire des choix raisonnés plutôt qu’intuitifs, mais il faut savoir ce que recouvrent les chiffres.
La diminution des consommations énergétiques en phase exploitation amène un basculement de l’importance des différentes phases du cycle de vie du bâtiment. Celle de la construction devient prépondérante (pour ce qui est de la déconstruction, il s’agit de valeurs hypothétiques très incertaines). De ce fait, les valeurs indiquées dans les FDES deviennent un facteur de choix dans le cadre d’une démarche environnementale.
Membres de l’ICEB, nous commençons à réaliser des calculs d’impact environnemental de nos projets et constatons que certains matériaux sont pénalisés par ces valeurs. D’où notre envie de questionner les spécialistes et de savoir ce qu’il y a dans le moteur de calcul.
Nous avons invité deux intervenants : Bruno Peuportier (chercheur à l’école des Mines) et Claire Cornillier du pôle environnement santé du FCBA qui travaillent sur ces questions. Nous donnons aussi la parole à M. Bruno Burger de Knauf, un industriel qui s’est lancé dans le calcul des impacts de ces produits suivant la norme NFP01-010 pour remplir les fiches FDES. Voir le site du fabricant d’isolants qui a réalisé une boite à outils virtuelle téléchargeable la Boks www.laboks.fr Mais attention cet outils reprend les calculs suivant l a norme NF P01-010.
Pêle-mêle, au cours des présentations de nos intervenants et du débat passionné qui s’en suivit, nous découvrons que :
- Il n’y a pas de définition normative ou réglementaire de l’énergie grise. L’énergie grise, c’est celle qui passe inaperçue.
- La consommation d’énergie n’est pas forcément un indicateur d’épuisement des ressources ou d’émissions de polluants.
- Le coefficient de transformation énergie finale/énergie primaire pour l’électricité dépend de multiples hypothèses concernant sa production, son transport. Il est aussi le fruit de négociations. (Bien sûr l’équivalent 1=1 énergie finale/énergie primaire pour les énergies fossiles n’est qu’une simplification. Il faut plus d’1 kWh primaire pour produire 1 kWh final) Cette règle de calcul n’intègre pas le potentiel énergétique des déchets nucléaires.
- Dans les FDES, l’énergie grise inclut les phases de production, transport, mise en œuvre, vie en œuvre et fin de vie.
- Dans les FDES, le résultat final de consommation énergétique amalgame énergie matière et énergie procédé, énergie renouvelable et non renouvelable. Or ces différentes énergies n’ont pas le même impact sur l’environnement.
- En utilisant du bois, on considère que c’est un potentiel calorifique immobilisé (énergie matière). Ce qui pénalise les matériaux qui ont un potentiel calorifique.
- Sur la fin de vie, soit on a des données statistiques, soit, par défaut, on prend l’hypothèse d’une mise en décharge sans valorisation.
- L’organisme français référent sur cette question est l’Afnor qui a mis en place la norme NF P01-010 qui à ce jour n’est pas figée et fait encore l’objet de nombreux groupes de travail. Cependant le gel de la révision imposé par la normalisation européenne en cours ne permet pas d’avancer sur le sujet.
- Aujourd’hui la base Inies (via le logiciel Elodie) sert aux calculs des FDES renseignés par les industriels. Le CSTB ne vérifie pas systématiquement les données fournies par les industriels. Bruno Peuportier concepteur du logiciel Equer, estime que « les calculs sont faux et qu’en voulant corriger à partir de la base existante , on rajoute des erreurs aux calculs existants ».
- Claire Cornillier partage également le problème d’interprétation des définitions qui donnent matière à confusion «qui génèrent une cascade d’erreur sur la compréhension globale du sujet ».
- Au départ, il fallait dépenser 300 000 € pour l’élaboration d’une FDES par un organisme spécialisé. Aujourd’hui les industriels se sont organisés et font eux même leur fiche FDES pour un coût d’environ 10 000 €
En conclusion, une démarche environnementale de qualité doit être multi-critère.
Il est important de définir les critères environnementaux que l’on veut privilégier, aucun matériau n’étant parfait et ne peut répondre à tout les critères.
Les concepteurs doivent s’attacher à comprendre et à questionner les modes de calcul mis en place, faute de quoi ce seront les industriels les plus puissants qui leur dicteront leurs prescriptions.
Remerciements tout particulier à Bruno Peuportier qui devait intervenir en complément de Rolf Frischknecht fondateur d’Ecoinvent qui n’a pu être présent.
Sur ce sujet vaste aux définitions et intérêts divergents, aux conclusions non abouties, l’ICEB organisera en 2010 un nouveau café pour faire le point sur l’avancée des travaux.
INTERVENANTS
Bruno Peuportier – École des Mines de Paris
Claire Cornillier – FCBA
Bruno Burger – Knauf
RESSOURCES
Sur la norme NF – le PDF de Serge Sidoroff
Énergies grises – le PDF de Bruno Deportier
L’énergie dans le bâtiment – le PDF de Claire Cornillier
Télécharger le présentation mp3
LIEU
La Maison de l’Architecture en Ile-de-France
148 rue du Faubourg Saint-Martin, 75010 Paris
Métro : Gare de l’Est